Fête des enfants sur la Chamissoplatz
Les enfants berlinois m’ont toujours paru comme de petits gavroches qui ont depuis longtemps disparu des rues parisiennes. Ces gosses mal coiffés, habillés de bric et de broc, de gros pulls tricotés main, le regard vif, qui vous adressent directement la parole en vous regardant droit dans les yeux… Il y a chez eux comme l’affirmation de tout un monde fait de tendre détermination et de curiosité arrogante.
La fête de la Chamissoplatz avait un côté encore militant même si les luttes épiques de la place s’étaient calmées, il restait quelques squats discrets, un bar autogéré, l’Heildelbergerkrug où l’on retrouvait pas mal de militants du spectre gauchiste-alternatif, un peu vieillis mais encore vif, moins revendicatif mais peut-être l’humour en plus.
La gentrification n’existait pas encore, même si, pour la radicalité mieux valait aller dans le Kreuzberg 36 plutôt que le 61. Le Mur « protégeait » de la spéculation qui ne tarda pas à déferler après sa chute en 1989.
Le mélange des origines géographiques et culturelles ne semblait pas poser de problème particulier, le Kebab avait depuis longtemps détrône la Currywurst. Je voyais souvent dans les rues des Turcs réparer de vieilles Mercedes.
Pour moi, le contact des enfants était bien entendu plus facile que celui des adultes. Ils étaient souvent plus indulgents devant la pauvreté de mon vocabulaire, l’absence de déclinaison, d’ordre des mots ou des propositions et finalement on se comprenait bien mieux avec des gestes et des onomatopées.
Ce qui me séduisait beaucoup était aussi leur rapport à l’espace. La rue était à eux. S’asseyant par terre, se couchant sur les trottoirs pour mieux voir ce qui se passait entre deux pavés. Ils se posaient là où ils en avaient envie sans crainte de se salir puisque de toute manière ils prendraient un bain en rentrant et que les fringues iraient à la machine à laver.
Déjà, à ce moment-là, l’envie de travailler un jour dans une crèche, une école ou un centre aéré m’avait traversé l’esprit… et j’espère que c’est un peu de cet esprit que j’ai pu transmettre à mes filles.