Volem rien foutre al païs
« Volem rien foutre al païs », un film de Pierre Carles, Christophe Coello et Stéphane Goxe.
Le film ouvre sur une intervention (soviétique) de Pompidou à la télévision nous expliquant ce qu’est le libéralisme et pourquoi la France doit indiscutablement s’engager dans cette voie. Un discours que les libéraux d’aujourd’hui n’oseraient même pas tenir tant il est cru. Et comme si ça n’était pas assez clair, le montage cut, nous balance un extrait de pub dans laquelle le patron gifle ses employés pour les endurcir : nous sommes en guerre, en guerre économique.
Le début du film va ainsi procéder par de courtes séquences d’absurdités quotidiennes (grève, infos télé, tentative d’interview de Kesler, visite à l’ANPE…) entre lesquelles va s’insérer une autre vision du monde (autoconstruction en paille, installation de panneaux solaires, toilettes sèches…).
Ces extraits de vie négatifs ne nous choquent pas tellement tant nous y sommes habitués c’est leur accumulation qui nous amène au dégoût.
Un peu comme si on s’habituait à voir des cadavres dans les rues, mais pas encore les charniers.
Le film cherche alors, doucement, des pistes simples qui peuvent sembler radicales au premier abord tant elles s’éloignent du système dominant.
L’auto-construction, l’autonomie de production alimentaire, l’autonomie énergétique, autonomie des savoirs… traverse les expérimentations de différents groupes. Mais sans donner de leçon. Chacun les découvre à son rythme, en fonction de sa propre histoire, de ce qu’il est prêt à faire comme chemin et du sens qu’il (re)trouve à sa vie.
Du coup, on échappe assez vite à l’éternel critique « Oui, mais si vous êtes contre le nucléaire, vous retournez à la bougie ? » : non, on commence par réfléchir à nos besoins, on met des panneaux solaires quand c’est possible.
On ne s’oblige pas à la pureté, on ne quitte pas un monde normatif pour un autre.
L’immense mérite du film est de donner des pistes et de montrer des possibles. Parce que nous faisons tous partie du système que nous critiquons, il nous démontre que nos marges de manœuvre sont bien plus importantes que l’on ne croirait. Ce fait est assez difficile à penser, car il ne s’agit pas de revenir à un âge d’or, mais d’inventer autre chose. Il n’a jamais été question de quitter la société, de s’en passer, mais bien au contraire, de permettre à d’avantage de personnes d’y avoir une place. Simplement le système actuel semble tellement verrouillé que certaines prises de conscience ne peuvent mener qu’à des ruptures.
Il dépasse aussi le premier niveau de critique du système. À travers le groupe espagnol à « dinero gratis » qui prend le vol pour comme moyen d’accès à la consommation. Il en démontre rapidement les limites, voler des fringues de marque à la mode ne remet rien en cause profondément, on reste dans le système de sur-consommation. Tout cela réduirait les revendications au pouvoir d’achat. Mais il pose aussi la question de l’utilisation des allocations chômage, du RMI, d’un revenu d’existence, de la protection sociale de certaines communautés.
Bref, ce film foisonne d’exemples en tout genre, de pistes de réflexions brouillonnes et hésitantes, d’actions concrètes et expérimentales, il redonne envie de vivre en société. Il nous rappelle que l’homme n’est jamais satisfait et que finalement il reste encore beaucoup d’aventures à mener même si le film se referme de nouveau sur une claque comme pour nous dire : demandons l’impossible, mais soyons réaliste.