Digicodes
Il n’y a pratiquement plus de portes parisiennes qui ne disposent pas de son digicode. Le digicode permet tout, l’anonymat alors qu’auparavant les noms des propriétaires et locataires étaient affichés sur les interphones ou sur les boites à lettres sous le porche une fois la lourde porte poussée.
On pouvait entrer partout, voir les arrières cours et puis surtout discuter avec la concierge. Caricaturée en cerbère par Robert Doisneau, c’était la personne indispensable pour savoir s’il y avait des chambres de bonnes à louer, si telle personne habitait toujours là et si elle avait laissé une adresse, à quel étage se trouvait notre rendez-vous, s’il y avait tel ou tel artisan dans le quartier…
Dans mon immeuble, la concierge a été virée pour faire des économies. Depuis, la porte d’entrée grince et personne ne vient mettre de l’huile, la vieille dame en face de chez moi, doit monter seule ses courses quand je ne suis pas là, l’escalier se rempli de poussière et fini par sentir le renfermé, les poubelles sont sorties par une entreprise qui se trompe de bac, qui raille les murs et la peinture de la porte d’entrée en allant trop vite dans le couloir parce qu’elle doit encore faire les autres immeubles de la rue avant que n’arrive le camion de poubelles…
Sans compter que comme l’employer de cette entreprise est noir, il semble toujours devoir justifier de sa présence dans le hall d’entrée “ne vous inquiétez pas, je suis là pour sortir les poubelles”. Ce qui en dit long sur la perception, qu’il a intériorisé, que les gens ont de lui…
Le monde devient plus complexe, mais surtout plus compliqué, il y a davantage de confort qui se transforme surtout en plus de contraintes… On dit que la solitude, l’individualisme et la peur augmentent et l’on supprime tous les humains partout où c’est possible.
La modernité du digicode fait qu’il faut mémoriser 4 chiffres, parfois d’avantage, là où un seul bouton suffisait…
(Hommage au travail photographique de Jean Mounicq « Paris retraversé » édité par l’Imprimerie Nationale en 1998 et qui serait totalement impossible de réaliser aujourd’hui)