Wolfgang Krolow…
À chaque fois que j’allais à Berlin, j’allais voir Wolfgang. Très diminué dans sa chaise roulante depuis pas mal d’années, la conversation était parfois un peu difficile. Entre mon allemand et mon anglais assez faible, son français très inexistant et sa prononciation approximative du fait des restes de son AVC, nous communiquions finalement par sourires.
J’appréhendais d’aller le voir, mais une fois que je me trouvais à ses côtés la complicité revenait. Les années qui passent, le fait que ce soit lui qui ait donné la direction principale de ma vie par la photographie, la découverte de l’alcool, d’un certain rapport aux femmes, l’exigence d’un regard sur le monde, l’amour de sa vie dont il ne s’était jamais tout à fait remis et mes propres histoires douloureuses, nous apportaient pleins de points communs d’apitoiement de vieux bonhommes jamais aigris, mais certainement mélancoliques…
Comme à chaque fois, je lui avais écrit une carte postale pour lui donner mes dates de séjour , le téléphone était trop fastidieux. Mais sitôt que j’étais arrivé à Berlin, mon téléphone sonnait et il me demandait quand est-ce que je passerai le voir.
Cette fois-ci, il ne m’a pas appelé.
Un ami commun m’a dit que Wolfgang lui avait demandé si je lui avais confirmé mon arrivée prochaine.
J’avais plein de choses à faire et je laissais passer quelques jours encore jusqu’à ce qu’un soir j’aille à l’Heilderbergerkrug sur la Chamissoplatz.
Edith était là avec un ami. Elle m’apostropha tout de suite avec un « qu’est-ce que tu fais là ?! ». J’étais surpris ne comprenant pas bien le sens de la question et le ton qu’elle employait. Je répondis d’un timide « Je suis en visite à Berlin ». Alors elle me lâcha « Wolfgang est mort cette après-midi ». Ça faisait 4 jours qu’il était dans le coma à l’hôpital.
Et comme pour la disparition d’un père ou d’un amour, on se retrouve seul…
Wofgang Krolow : 6 avril 1950 – 24 septembre 2019 (site)