Sous mes fenêtres…
Il a la démarche d’un type qui aurait fait dans son froc, les bras écartés, une démarche de d’jeun’s, la casquette de travers, une caricature…
Il dit « les gens y mettent leurs sacs comme ça, y mange là, sur le bord du canal mais y-a d’autres gens mon frère, faut pas bloquer l’passage cousin. Alors c’est bien fait pour sa gueule la meuf… »
Le long du canal Saint-Martin, de nombreuses personnes pique-niquent régulièrement le soir pendant qu’il fait encore chaud. Même si c’est plein de monde, c’est sympathique.
Vraisemblablement, ce qui le dérange n’est pas tout à fait un manque de respect, un passage qu’on lui aurait refusé mais plutôt le fait qu’il s’est senti exclu de cette occupation du territoire. Il ne se sent pas légitime pour s’installer, comme ça, sur le bord de l’eau et manger avec ses amis, dans ce quartier bobo. Alors il hurle sous mes fenêtres, il clame son rejet de la classe bourgeoise pour affirmer celle des crétins asservis par la pub, les marques, les valeurs du sport de l’argent, la télévision…
Entre les bobos qui finiront beurrés et chanteur en remontant ma rue pour trouver un taxi entre deux et trois heures du mat” et lui, ils ont au moins le point commun de venir me rappeler qu’ils existent…