Yanick Lahens
Rencontre avec Yanick Lahens autour de ses livres « La couleur de l’aube », « Faille » et « Guillaume et Nathalie » aux éditions Sabine Wespieser à la librairie Les Oiseaux rares, en mai 2013.
La discussion porte sur la manière dont l’écrivain se remplit du monde qui l’entour, des questions qu’elle se pose sur la vie des gens, selon l’âge, la classe sociale, le sexe… Elle cherche à comprendre, partager ses interrogations sans porter de jugement de valeur. Lorsqu’elle raconte une histoire d’amour, ce n’est pas une histoire pure mais imbriquée dans l’univers qui entoure les personnages. La psychologie est extrêmement fine mais affleure pourtant à peine dans le texte car elle se glisse dans le paysage et dans la description du comportement des personnages.
Ce qui est fascinant ce sont les questions qu’elle se pose et les réponses stylistiques et narratives auxquelles elle arrive. La rencontre alternait les réflexions sur l’écriture, Haïti, un peu de politique, l’évolution du monde et des lectures. Parfois la discussion générale pouvait même être très légèrement trop… générale, presque banale. Alors Élise ou elle lisait un extrait de texte. La densité et la concision des phrases, l’économie et la précision des mots frappaient par leur efficacité et la transcendance que la littérature apporte au monde. Elle prouve dans ces moments-là, qu’elle peut être plus puissante qu’une thèse de psychologie, qu’une enquête sociologique ou qu’un traité de philosophie puisqu’elle synthétise la vie et donc toutes ces disciplines à la fois.
La discussion a ensuite porté sur le recul de l’usage du français et donc la perte d’une culture. La crainte ressentie par Yanick Lahens est de devenir une espèce en voie de disparition. Cette remarque a fait réagir la salle de manière assez révélatrice d’un certain orgueil et enfermement des Français sur eux-mêmes.
En effet, de manière pragmatique les jeunes générations haïtiennes se tournent vers l’anglais ou l’espagnol (langues parlées tout autour de leur pays). À cause des effets de la mondialisation, chez nous comme chez eux, mais aussi du manque d’initiatives structurelles de la France qui n’a jamais su trouver la juste distance avec ses anciennes colonies. Certains participants en étaient exaspérés, comme si la perte du français, aussi lointaine soit-elle, était un affaiblissement supplémentaire de leur personne, une diminution de leur pouvoir intellectuel. Ils ne comprennent pas que des pauvres puissent faire un autre choix tout simplement pragmatique. Yanick Lahens a rappelé que la maitrise du français correspond à situation sociale élevée. Parler mal le français est signe de pauvreté, c’est donc honteux, tandis que parler mal l’anglais n’a aucune importance puisqu’il s’agit de communiquer et non de se distinguer. Cette absence de blocage psychosocial fait que, par conséquent, ils parlent très bien l’anglais…