Confrontations
Que cherche-t-on quand on revient 20 ans après dans une ville qui a tant compté dans son parcourt personnel ?
Pendant 40 ans Berlin a été une île, comme « protégée » du reste du monde. Une ville qui tout en étant au cœur l’histoire du 20° siècle s’est retrouvé hors du temps.
Maintenant que le mur est tombé, qu’il n’y a plus de confrontation Est/Ouest, qu’elle est redevenue la Capitale de l’Allemagne, la ville est rentrée dans le temps devenu soudain si ordinaire.
Mais entre temps l’Histoire s’est en partie arrêtée.
Nous sommes désormais dans la non-histoire déléguant chaque jour davantage nos vies à des machines. Il n’y a plus rien à espérer, plus de révolution à faire sinon celle de l’accès au crédit pour tous, du droit aux soldes, de l’injonction de l’illusion d’être soi-même en portant tous la même casquette, d’être connecté à chacun à tout instant sans n’avoir plus rien à dire sinon programmer le prochain rendez-vous de la prochaine cuite…
Le temps capitaliste s’empare doucement de ses quartiers pour en faire de magnifique vitrine d’un art de vivre qui se monnaye de plus en plus cher.
Comme à Paris, New York, Londres, Moscou… la gentrification opère la transformation en une banalisation fun des rues et des habitudes.
On trouve les mêmes enseignes vestimentaires, les mêmes chaines alimentaires, les mêmes banques, les mêmes publicités, les mêmes architectures modernes de verre et de fer qui imposent leur opaque transparence. Et pendant que ceux qui ont de l’argent s’épanouissent, d’autres doivent s’exiler, s’effacer, s’appauvrir…
Nos souffrances nous apparaissent souvent trop lourdes à porter. Ici à Berlin, elles semblaient soudain dérisoires. Il était possible de s’oublier, de s’intéresser aux autres, aux restes du monde, d’expérimenter dans une plus grande liberté, de prendre du temps pour laisser émerger en soi quelque chose, et créer, enfin…
Il n’est pas encore certain que la bascule est totalement eu lieu. Il reste de très nombreuses friches, cafés, réseaux de multiples militances qui font que la ville a encore ce quelque chose en plus que Paris a perdue depuis longtemps.
Il y a 20 ans, du fait des événements historiques, la ville cessait d’exister à l’instant même où je la quittais.
Ce retour fut celui d’un voyage intérieur entre douleur et renaissance.
Commencé de manière insouciante, il s’est prolongé dans un chaos phénoménal pour finir, le dernier jour, sur une apothéose.
Renouer avec le passé sans le momifier ou l’idéaliser, se réconcilier avec soi-même et avec l’autre, retrouver le sel de la vie à travers le goût des autres et trouver un sens qui n’explique rien, n’apporte aucune réponse mais donne envie de continuer, de partir loin pour revenir avec de nouvelles histoires à raconter.