Exposer pour ne rien dire…
Dominique Auerbacher expose actuellement des images de vitres rayées des transports en commun berlinois qu’il appelle des “Scratches” à la Maison Européenne de la Photographie à Paris.
Les images présentées n’ont pratiquement aucun intérêt. Pas de recherche de cadrage, de graphisme, de couleur… Pas de travail sur les transparences, les superpositions, les reflets… On a la sensation d’être dans une MJC de luxe à l’exposition d’un de ces amateurs persuadé d’avoir eu l’idée géniale à laquelle personne n’avait songé…
Du coup, afin de tenter de pallier la platitude des clichés, l’auteur s’est fendu d’un lamentable texte, heureusement très court.
Comme il n’a rien à dire de particulier sur les graveurs-rayeurs puisqu’il s’agit d’une “communauté invisible”, et qu’il ne semble pas avoir non plus de culture artistique (citant l’Action-painting à contre sens) qui aurait pu servir d’habillage justificatif, il en appelle à l’“Égypte ancienne, la Grèce antique, la cité maya de Tikal, la ville de Pompéi…” afin de leur donner une certaine grandeur. Il parle d’“une des manifestations les plus récentes et les plus éphémères de la longue histoire du graffiti” sans savoir que les premiers cafetiers parisiens se plaignaient déjà, à la fin du 17ème siècle, des griffures réalisées par les clients sur les miroirs de leurs établissements (sans compter les signatures gravées dans la pierre du château de Chambord).
Il confond l’art avec la manifestation d’un simple phénomène psychologique (vouloir laisser sa trace). Peut-être a-t-il mal digéré les théories dadaïstes comme quoi tout était art, l’humour en moins…
Sans porter de jugement de valeur sur les gravages (terme français peu poétique et moins fun pour une exposition à la MEP) on aurait souhaité, ne serait-ce qu’une petite analyse, sur ce qu’ils révèlent de la société d’aujourd’hui entre quête d’identité, défis du marquage de territoire, prise de risque et jeux de transgression, rapport à l’urbanisme et mal-être des grandes agglomérations…
On ne s’indignera pas du fait que cette exposition légitimerait un comportement dégradant des transports publics, là n’est pas le problème mais juste qu’elle est inutile dans le sens où elle ne nous apprend rien sur le monde et n’apporte même pas une autre manière de le voir.
Peut-être devrait-on lui suggérer de se mettre à Instagram…
On s’étonnera que l’auteur n’ait pas plutôt posté ces clichés sur Flickr et que la MEP ait gaspillé une telle surface pour un mauvais amateur*. Si jamais on me demande d’exposer mes séries de poteaux de travers et autres plaques d’égout mal remises en place, j’accepterai bien volontiers ! Ça me donnerait l’occasion d’en rire au moins pendant plus de 15 jours d’affiler !