Web doc, Web toc ?
Un ami m’avait demandé une petite tribune pour son journal suite à une discussion sur le webdoc. Il fallait faire court et un peu polémique. Il y a donc des raccourcis, des non-dits, un poil de mauvaise foi et pas mal d’agacement devant cette nouvelle mode qui fait s’agiter bien des médias pour pas grand chose et surtout ne jamais voir d’où vient la crise en la reportant sur le dos des photojournalistes…
La crise des médias ? Tout le monde semble avoir un avis sur la question. Ce qui est certains, c’est que la place du photojournalisme a considérablement diminué dans la presse. Après le CD-Rom, le POM (Petit Objet Multimédia), les réseaux sociaux… voici le web doc. Mais qu’est-ce donc ? Concrètement, c’est un reportage photo conçu pour les écrans et mis en scène avec insertion de textes, de sons, de vidéos et, cerise sur le gâteau, une touche d’interactivité pour l’internaute avec plusieurs cheminements possibles dans le récit. A priori, pour le photographe, c’est plutôt attirant. un nouvel espace d’expression sans limites. Ce qu’il n’avait pas réussi à dire avec l’image fixe, il le formule avec le son, l’image animée… Les médias commencent à investir dans ce nouvel Eldorado, et certains photographes y voient une planche de salut inespérée pour une profession mourante. En pratique, le photographe, déjà retoucheur, éditeur, commercial, s’improvise dès lors preneur de son, vidéaste, rédacteur, monteur… ce qui n’est pas sans impact sur ses dépenses en termes de formation, de matériels, de temps pour des gains ne couvrant même pas le reportage lui-même… Car il faut être réaliste : pour quelques web docs plutôt réussis, et rémunérés puis diffusés à leur juste valeur, combien de PowerPoint améliorés ne trouvant ni diffuseur ni public ? Dans le fond, qu’est-ce au juste que cette nouvelle manière de raconter le monde ? Un reportage ? Une fiction ? Un jeu vidéo ? Un peu de tout ça ? Personnellement, arrivé au premier choix de « scénario », je décroche et ne sais plus ou donner du clic. Ma perception de l’information s’embrouille. Ce que je demande aux journalistes, ce sont des faits vérifiés, analysés, puis présentés sous forme hiérarchiques, afin de m’aider à comprendre… sinon je ferai l’enquête ou le voyage moi-même ! Pourquoi ne pas redonner au photojournaliste la place qui était la sienne, ni plus ni moins ? Certains exemples ont prouvé que le public répond présent quand le reportage est bien édité et bien imprimé…
Réponses photo, Tribune, p. 162, n°240 — mars 2012
[mise à jour : 21/04/2012]Ah ! bel article sur 6 mois qui dit ce que je voulais dire avec plus de place…
http://www.6mois.fr/Le-webdocumentaire-laboratoire
Même s’il manque encore le démontage de qui sont aujourd’hui les chantres du webdoc, dans quelle école ils enseignent, selon quel parcourt, avec quels soutiens dans certains milieu universitaire… Si un bourdieusien pouvait y jeter un œil ce serait très instructif !