Train fantôme
Ce soir j’étais un peu pressé, légèrement en retard. Le vernissage auquel je me rendais avait déjà commencé et il me faudrait encore une bonne vingtaine de minutes en métro pour y arriver.
Dans la rue, je marchais tête baissée comme pour que mon regard ne s’accroche pas et me freine sur les passants. Pour une fois, mon Pass Navigo m’a ouvert le passage sans rechigner, sans qu’il soit nécessaire que je m’y reprendre plusieurs fois. Je descends les marches d’escalier deux par deux, me laissant tomber sur la volée de marches suivantes, comme si je me jetais dans le large tuyau du couloir de la correspondance.
Je sens, par divers signes, que la rame du métro est à quai. Je croise plusieurs personnes en sens contraire, j’entends les bruits significatifs d’un volume sonore propre à une activité humaine plus intense, je ressens la présence des mouvements de montée et descente, de croisement, d’évitement des gens sur le quai et dans les wagons…
Encore un dernier virage et je serai sur le quai mais déjà les portent se sont refermées et la rame s’ébroue.
J’en suis surpris car il ne m’a pas semblé entendre de sonnerie de fermeture des portes.
Mon regard cherche rapidement le panneau lumineux des horaires d’arrivée des prochaines rames : cinq minutes pour la première et neuf minutes pour la suivante. Cinq minutes, c’est long quand on est déjà en retard me dis-je en marchant sur le quai pour aller en queue de station. Mais je n’ai pas atteint le deuxième tiers du quai que déjà une rame entre en gare. Je me retourne pour relire le panneau lumineux, il indique toujours cinq minutes… Ce train qui entre en gare n’est donc pas le bon, il ne correspond pas à ce que le système informatique de la RATP m’indique, ce train n’existe donc pas.
J’hésite à le prendre, à monter dedans.
Autour de moi, les gens font pourtant comme habituellement. Les passagers ne dégagent rien de particulier, ne ressemblent pas à des fantômes que d’ailleurs je ne sais pas à quels signes particuliers je pourrais les identifier. Personne ne semble avoir conscience de la situation. Je suis le seul à VOIR ce qui se passe sans pour autant pouvoir comprendre ce qui se passe.
La rame démarre, je penche la tête pour tenter d’apercevoir encore une fois le panneau lumineux des horaires et bien vérifier si la RATP n’aurait pas, entre temps, corrigé son erreur d’inscription… mais non, toujours 5 minutes d’attente.
Je disparais donc dans le tunnel sombre d’une rame rayonnante d’un métro qui n’existe pas. Décidément la RATP joue beaucoup, ces derniers temps, avec la 4e dimension…