Chambord, à la recherche de l’éternité
Le château de Chambord est l’un des plus beaux des châteaux de la Loire, c’est en tout cas le plus grand. Comme pour les autres demeures, la pierre qui le constitue est le tuffeau, une pierre calcaire, blanche, très facile à tailler.
Si l’on regarde attentivement les murs du château, on remarque rapidement des centaines de milliers de graffitis gravés dans la pierre. Du témoignage du tournage de Peau d’âne à des milliers d’anonymes.
Ce phénomène est à la fois touchant et exaspérant. Les amoureux y gravent leurs noms avec la mention « pour toujours » comme si l’âge du château était la garantie de la durée de leur amour.
Souvent, les noms sont suivis d’une date. Il n’est pas certain qu’elle soit juste, mais certaines annoncent des 1600 et d’autres l’année en cours.
Exaspération aussi de voir toutes ces gravures qui détériorent la pierre que l’on ne sait pas reconstituée (le tuffeau est composé d’avantages d’air que de minerai). Toutes ces petites pulsions à laisser une trace parasitaire sur le monument.
On glorifie ce genre de monuments pour leur beauté, leur histoire et devient la nôtre, bien sûr on oubli les conditions de travail, l’extraction du tuffeau, la vie des 90 % d” »autres » pour ne retenir que le faste. Édifié sur ordre de François 1er, il fallut 28 ans de travaux (1519 à 1547) et 1800 ouvriers pour que le roi n’y séjourne que 80 jours.
Pendant ma visite, un reportage à la télévision relatait les constructions aux Émirats arabes unis et notamment à Dubaï. Là aussi, la démesure est de mise pour construire sur du sable des bâtiments qui ne seront occupés que quelques jours par quelques milliardaires.
Le sentiment que la vie passe vite, qu’il faut construire vite, profiter de tout voracement, conquérir de nouveaux territoires en guerrier.
Éternelle quête de l’immortalité, de l’unicité de soi, de la reconnaissance des autres, de la satisfaction de ses désirs à la peur du vide, du manque, de l’oublier.